Split (2016) – Ma Critique

M. Night Shyamalan est sans doute l’un des réalisateurs les plus inégaux d’Hollywood ! Il a en effet commencé sa carrière sur un socle solide composé de Sixième Sens, Incassable, Signes et Le Village. Puis nous a proposé des projets très moyens et vite oubliés comme Phénomènes. Il s’est enfin consacré aux blockbusters avec Le Dernier Maître de l’Air et After Earth qui se sont révélés catastrophiques ! Avec Split, sorti un an après le found footage horrifique The Visit, Shyamalan renoue avec son amour pour le thriller. Un projet à la fois palpitant et inquiétant : à l’époque, nous étions beaucoup à nous demander si le réalisateur était encore capable de nous surprendre ou s’il allait une nouvelle fois nous décevoir.

Un peu de neuf dans la représentation du TDI au cinéma

La mythologie de Split

Split a pour thème principal le Trouble Dissociatif de l’Identité, une pathologie souvent dépeinte dans les thrillers et films d’épouvante. On peut par exemple citer Psychose, Pulsions, Fight Club, Identity ou encore Shutter Island. Mais avec Split, nous comprenons d’entrée de jeu que ça ne va pas être comme d’habitude ! Il n’y a pas de twist où nous découvrons en même que le personnage qu’il dispose de plusieurs identités. En effet, Kévin, l’antagoniste de Split, a lui-même connaissance de son trouble. Il n’est pas non plus question d’un simple dédoublement de personnalité puisque le personnage dispose de 24 identités ! Bien sûr, nous ne les rencontrons pas toutes mais ce qui vraiment intéressant ici, c’est que chaque identité est consciente de sa coexistence avec les autres.

C’est à partir de cela que Shyamalam a dessiné une mythologie autour de Kévin. Une hiérarchie d’identités est présentée, avec une horde de personnalités indésirables cherchant à prendre le contrôle de Kévin pour venir à bout de leur funeste projet, l’émergence de « La Bête ».

Cette bête est un animal, une créature qui se nourrit -au sens littéral- de jeunes âmes impures données en sacrifices. Il est intéressant de noter que même dernière cette dimension paranormale de Split (Kévin devient physiquement une bête avec une force et une agilité accrue !), il y a une forme de rationalité dans le raisonnement. En effet, selon la Bête, une âme impure est une personne qui n’a pas connue la souffrance. Pourquoi ce critère est déterminant pour elle ? Parce que Kévin a souffert de traumatismes dans son enfance (d’où l’émergence du TDI). Cette mythologie est donc un beau travail d’imagination où rien n’est laissé au hasard !

L’incarnation de ce concept

Le concept de Split est un terrain d’exploration intéressant. En effet, toutes les identités présentes à l’écran ont une personnalité spécifique que le spectateur peut identifier facilement. Dennis, Edwig ou Patricia…. nous n’avons pas besoin que leur nom soit cité pour comprendre de qui il s’agit quand ils émergent. Et pour cela, nous pouvons saluer le travail remarquable de James McAvoy ! Le rôle de Kévin est certainement l’une des meilleures performances de sa carrière à ce jour. McAvoy jongle finement avec chaque identité, pouvant passer de l’hostilité à l’émotion, de l’anxiété au calme froid, de l’humour à la colère. C’est une interprétation très forte qu’il nous a proposé !

Split, un semi huis clos plutôt efficace

L’aspect thriller psychologique

Split est un thriller dont le suspens démarre très vite. En effet le kidnapping des victimes a lieu dès la scène d’ouverture. Après cela, le film devient très riche en tension psychologique : nous suivons les tentatives des jeunes filles pour s’échapper et leurs interactions avec les différentes personnalités de Kévin, leur ravisseur. Tout cela est mis en scène d’une manière qui ne tombe pas dans la caricature. Cette ambiance est accompagnée d’une bande originale discrète mais très intéressante. La musique m’a en effet parfois fait penser à des bruits de tuyauterie (ce qui est cohérent avec le décor) et d’autres fois m’a rappelé l’image d’une bête qui rampe. Lors du dernier acte, le long-métrage prend une dimension quasiment horrifique, encore une fois très efficace.

Malheureusement, tout ce suspens est parfois cassé lorsque nous quittons l’aspect huis clos pour suivre Kévin dans ses sessions avec sa psy incarnée par Betty Buckley ou Casey dans ses flashbacks. Pourtant ces scènes sont scénaristiquement légitimes, elles doivent être là ! Mais elles ralentissent vraiment le rythme. J’imagine donc que le problème ne vient pas de leur écriture mais plutôt de leur mise en scène, peut être un peu trop lisse, un peu trop lente, par rapport à l’atmosphère du reste du film.

L’aspect dramatique

Derrière l’aspect thriller psychologique, Split est également un drame. Et là aussi, ça se remarque dans la bande originale, parfois plus douce, plus émotive.

Nous avons précédemment évoqué les traumatismes de Kévin mais les traumatismes de Casey, jouent également un rôle important dans le récit. Il y a en effet deux niveaux d’intrigue dans Split, celle où les filles kidnappées tentent de survivre au plan de Kévin, et celle où on découvre peu à peu ce qui est arrivée à Casey dans son passé. Elle n’est pas une final girl conventionnelle. C’est une héroïne torturée, une adolescente victime d’inceste contrainte de vivre sous le même toit que son agresseur après la mort de son père. On a un effet miroir avec Kevin qui s’évade par ses identités tandis que Casey s’évade par des comportements autodestructeurs comme l’automutilation. Un antagoniste qui perd le contrôle de sa vie avec des personnalités qui détruisent son psyché, une protagoniste qui reprend le contrôle de son corps en le détruisant.

Cependant, malgré la bonne performance d’Anya Taylor-Joy et la dure réalité du personnage, Casey est une héroïne si froide qu’elle peine à émouvoir. Bien sûr, cette froideur est totalement cohérente avec le scénario. On s’attache davantage à elle pour son courage et sa capacité d’initiative que par son passé. C’est peut être aussi lié à ce que j’évoquais précédemment, le rythme moins soutenu dans ces scènes.

Partager sur :