Barry Lyndon (1975) – Ma Critique

Noyé entre Orange Mécanique et Shining, Barry Lyndon est le bijoux de Stanley Kubrick que le monde a un peu trop vite oublié. D’ailleurs, malgré de très bonnes critiques, le film n’a malheureusement pas connu un franc succès au box-office. Personnellement, Barry Lyndon, comme beaucoup de Kubrick, est un film qui me fascine ! C’est à l’occasion de sa ressortie en France pour ses 50 ans, que j’ai décidé de faire cette critique.

Un portrait froid de l’époque victorienne

Un personnage captivant : Ascension et chute de Barry Lyndon au sein d’une société corrompue

Adapté du roman Mémoires de Barry Lyndon écrit par William Makepeace Thackeray, ce film est l’histoire d’un homme qui a gravi les échelons… pour finir pauvre, invalide, exilé et sans descendance. En trois heures, Stanley Kubrick nous fait le portrait d’un anti-héros qui évolue, autant sur le plan social que moral, au fur et à mesure de ses péripéties.

Si au début, le film nous présente un jeune homme naïf, fleur bleue et un peu trop passionné ; plus tard, nous retrouvons un homme ambitieux, manipulateur, opportuniste, infidèle et tricheur. Mais entre ces deux opposés, il y a des aventures, des rencontres et des interactions. Celles-ci se succèdent. Des cousins eux-mêmes manipulateurs et matérialistes qui arrangeront l’exil de Barry. Des voleurs qui le détrousseront de ses effets, l’obligeant à s’embrigader dans l’armée par nécessité. Une armée qui exploitera ses origines pour en faire un espion contre un compatriote. Un chevalier qui lui fera découvrir la mondanité et qui lui enseignera l’art de la tromperie. Une mère qui le poussera à en vouloir toujours plus. Un noble qui l’encouragera à dilapider l’argent de son épouse pour impressionner la haute sphère afin d’acquérir un titre.

Je n’ai pas lu le roman mais je sais qu’il s’agit d’une satire de la bourgeoisie. Et je trouve que Kubrick a fait un super travail concernant le développement du personnage de Lyndon dans ce milieu. Son évolution tombe en effet rarement dans le manichéisme car narrativement progressive. Avec les exemples cités plus haut, on se rend compte que plus Lyndon acquière de l’expérience, plus il connait une ascension (d’abord militaire puis sociale), et plus il se déshumanise… Il devient le symptôme d’une société qui l’a forgé, un monde où règne les apparences, l’intérêt personnel, la domination et le mensonge. Tout cela jusqu’à sa chute, également progressive, avec une forme de rédemption.

Le réalisateur a ainsi adapté un personnage avec beaucoup de relief. Un personnage charismatique que l’on peut par moments soutenir car il nous touche, par d’autres détester. Un personne que parfois on arrive à comprendre, malgré tout. C’est exactement le type d’anti-héros qu’on veux voir au cinéma ! Et c’est rendu possible grâce à un cheminement scénaristique logique et graduel.

Barry Lyndon, un film un peu trop distant

Représenter une société froide, tout en réussissant à nous émouvoir, c’est le défi que Barry Lyndon n’a pas totalement réussi a relever. C’est peut être le seul défaut du long-métrage. Grâce à la bonne performance des acteurs (Ryan O’Neal, Marisa Berenson et Leon Vitali), parfois on a de la peine pour les protagonistes mais ça s’arrête là. Pourtant il y a des scènes très tragiques.

Je pense que ce manque d’émotion est lié à plusieurs facteurs. Le premier est un montage qui est parfois un petit peu trop exhaustif, avec des scènes dramatiques trop courtes ou qui se coupent brutalement. Ensuite, il y a la narration de Michael Hordern qui souvent prend un petit peu trop de place face aux dialogues. Cela crée une certaine distance : plutôt que la voix off nous raconte ce que les personnages ressentent, il aurait été préférable que les protagonistes l’expriment eux-mêmes à certains moments. Un dernier facteur est peut être le développement des personnages en dehors de Barry. Ceux-ci sont en effet des satellites qui gravitent autour du l’anti-héros. C’est logique mais le contre coup est que leur sort nous laisse assez indifférent.

Un trésor artistique

Une musique culte

Une chose qui fonctionne particulièrement bien dans Barry Lyndon, c’est le mariage entre la musique produite par Leonard Rosenman et le récit. Officiellement, Barry Lyndon est un film scindé en deux parties. On peut cependant diviser le scenario en trois fragments, chacun ayant une ambiance musicale distincte.

Le début, sur les origines de Lyndon, comporte une musique celtique typique de l’Irlande. Ce n’est pas franchement mon style, mais c’est totalement cohérent thématiquement. Puis, on a la partie sur l’expérience de Lyndon dans l’armée, elle dispose d’une musique de marche militaire. Celle-ci est beaucoup trop répétitive à mon goût, donc épuisante, mais là aussi on a une cohérence entre le récit et le son. Enfin, dans le dernier acte du film qui se passe dans la haute société, nous découvrons une symphonie classique. Les versions revisitée de Sarabande (Haendel) et Trio pour piano et cordes no 2 (Schubert) sont particulièrement jouissives pour les oreilles. Ces deux musiques font même partie de l’héritage du film : quand on les écoutent aujourd’hui, on pense directement à Barry Lyndon.

En plus de ce miroir récit-musique, il y a également une correspondance parfaite entre la musique et le visuel.

Un esthétisme somptueux

Barry Lyndon en 1976, c’est quatre Oscars techniques ! Il y a déjà celui de la meilleure musique dont nous avons parlé. Mais il y a également ceux de la meilleure direction artistique, de la meilleure photographie et des meilleurs costumes. Toutes ces distinctions sont largement justifiées !

Niveau décors et direction artistique, Barry Lyndon est film magnifique. Mention spéciale à toute la partie où le personnage côtoie l’aristocratie : le long-métrage devient clairement une peinture vivante ! Les décors sont par ailleurs accompagnés d’une photographie qui les met en avant. Cela passe notamment par une excellente maîtrise de la luminosité. Je pense par exemple à la scène introduisant la comtesse Lyndon jouant aux cartes en étant éclairée par deux chandeliers. Un autre exemple est la scène où Lord Bullingdon retrouve Barry ivre et éclairé par la lumière du jour. Au cœur de ces visuels marquant, nous retrouvons des acteurs très bien vêtis. Les costumes, qu’ils soient militaires ou représentatifs de la haute société victorienne, sont en effet particulièrement réalistes.

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